De la possession à l’usage

De tous temps, pour éviter le gaspillage ou parce qu’ils ne pouvaient faire autrement, les hommes ont acheté des objets d’occasion ou les ont loués. Depuis quelques années le phénomène prend une ampleur nouvelle. Le chiffre d’affaires des plateformes de revente de biens d’occasion ne cesse d’augmenter et la location s’étend à tous les secteurs. On ne contente plus de louer ses patins à glace quand on va à la patinoire, on loue des films, des vélos, des voitures, un abonnement de fourniture de café chez Nespresso, un abonnement de fournitures de piles ou de cartouches d’encre chez Amazon. Michelin propose ses pneus en paiement au nombre de kilomètres parcourus. Xerox, Lexmark ou encore JC Decaux , utilisent également la facturation à l’usage afin de répondre aux exigences du développement durable. Des maraichers ne vendent plus des fruits et légumes mais un service de livraison à la semaine pour « manger sain » en fonction des saisons.
L’économie de la possession évolue lentement mais surement vers l’économie de l’usage. Le bien recherché n’est plus l’objet mais sa fonctionnalité.

Après le développement des formules de location longue durée, le secteur automobile se prépare à une mutation d’une toute autre ampleur. Utilisée en moyenne une heure par jour, la voiture individuelle est inactive 95 % de son temps, ce qui est une aberration économique justifiée uniquement par l’absence de solution alternative satisfaisante pour répondre aux besoins de mobilité des citoyens. Avec l’arrivée des voitures autonomes dans les 20 prochaines années, la mobilité partagée devrait s’imposer comme la norme. Plutôt que d’acheter une voiture personnelle passant l’essentiel de son temps sur une place de stationnement, l’utilisateur disposera d’une voiture qu’il ne financera que pour la durée dont il en aura l’utilité et qu’il appellera depuis son smartphone. Ce passage de la possession de la voiture à son usage à la demande va bouleverser un secteur économique pesant près de 7 000 milliards de dollars dans le monde. Les constructeurs garderont la propriété des véhicules autonomes et les géreront comme des flottes de taxis. Au lieu de vendre des voitures aux particuliers, ils vendront des services de mobilité, élargis et personnalisés. Les prestataires du transport devront également redéfinir leur métier de base dans l’ensemble de la chaîne.

Une rupture encore plus symbolique se prépare avec la fin de la propriété foncière, une « invention » remontant à la révolution du néolithique.
Pour de multiples raisons le prix de l’immobilier atteint des sommets et les jeunes ménages en particulier ont du mal à pouvoir acquérir leur logement. Le foncier représentant une part importante dans le prix de l’immobilier, une tendance se dessine pour distinguer la possession d’un terrain, qui deviendrait publique de celle du logement construit sur ce terrain qui serait laissée au propriétaire privé.

De la possession à l'usage

La France, où le droit de propriété est « inaliénable » depuis 1789, se prépare à le démanteler, officiellement pour limiter la spéculation. Dans ce schéma, le sol revient à un organisme public chargé de gérer son usage. Les propriétaires louent à cet organisme le terrain accueillant leur maison dans le cadre d’un bail emphytéotique et n’achètent donc que le bâti. L’économie attendue est de l’ordre de 30 par rapport au schéma immobilier classique de totale propriété.

Ce changement de paradigme présente des avantages indéniables mais il n’est cependant pas sans risque. Dans l’hypothèse où la gestion du foncier passerait à des structures privées, ces dernières auraient vite fait d’acquérir et de monopoliser de larges zones de territoire. La collectivité ne pourrait alors plus contrôler le prix d’usage du sol. Le propriétaire d’une maison serait à la merci du bailleur qui pourrait modifier à sa guise les loyers. Ce risque est bien réel comme le constatent nos voisins anglais. L’Angleterre n’a en effet pas connu la Révolution et la grande majorité du sol appartient encore aux landlords, les grands propriétaires terriens : 70 % du territoire anglais appartiennent à moins de 1% de la population totale. Un cas presque unique dans le monde mais riche d’enseignements. Sur ces terres féodales, celui qui achète une maison n’achète que le bâti. Il doit en parallèle signer un bail : 99 ans si la maison est neuve ou le temps du bail restant à courir si la maison est ancienne et change de mains. Le fait, qu’en Angleterre, le prix de l’immobilier soit l’un des élevés du monde montre bien qu’il peut n’ y avoir qu’une mince frontière entre l’usage et le servage. Cette frontière semble même en passe d’être franchie en Afrique où le développement insidieux des baux emphytéotiques devient une source d’inquiétude pour les petits paysans. Des millions d’hectares de terres arables sont en effet déjà passées sous contrôle de puissants groupes occidentaux mais aussi, de plus en plus, chinois, indiens, saoudiens, coréens, égyptiens, etc.

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