L’internet des objets

Smartphone, palette dans un entrepôt, thermostat dans une maison, mouton dans un troupeau… le nombre d’objets connectés a dépassé le nombre des êtres humains et double tous les 6 mois. Ils sont capables de percevoir, d’analyser et d’agir par eux-mêmes en interaction avec les données globales et instructions du nuage. Ils sont au coeur, entre autres, des villes intelligentes, de la domotique et de la télémédecine (bracelet et divers capteurs)

L’internet des objets est l’extension des technologies de l’information au monde physique des choses et des entités virtuelles pouvant communiquer avec l’internet soit directement soit indirectement via des appareils électronique eux-mêmes connectés à internet. Il inaugure une « nouvelle manière de vivre et de gérer les affaires courantes et professionnelles via internet ». [1]

Les « objets » connectés possèdent leurs propres identités et adresses numériques qu’il s’agisse d’un smartphone, d’une palette dans un entrepôts, d’un thermostat dans une maison ou d’un mouton dans un troupeau. Ils peuvent communiquer entre eux, être reliés à des plateforme ou à des serveurs via des circuits électroniques, des puces RFID, une liaison Bluetooth ou un réseau Wi-Fi. Ils font appel à une grande variété de protocoles de communication et se retrouvent dans d’innombrables domaines et applications. Les objets connectés collectent, stockent, traitent des données et peuvent le cas échéant réagir en fonction de leur environnement.

Dans les années 1980, les distributeurs de billets automatiques ont été les premiers à ouvrir la voie aux objets connectés. Tous les secteurs d’activité ont suivi. En logistique, grâce au GPS et aux capteurs dont ils sont dotés, les articles acheminés peuvent être localisés en temps réels et les stocks optimisés et gérés automatiquement.

En domotique, il est possible de suivre, de programmer ou de commander à distance les appareils électroménagers, le chauffage, les systèmes de surveillance et d’alarme (vol, l’incendie). Par ailleurs les compteurs intelligents suivent déjà la consommation d’énergie et proposent des stratégies pour réduire les coûts. Bientôt l’internet des objets permettra d’aller encore plus loin. Les réfrigérateurs gèreront seuls leurs contenus : en fonction de notre historique de consommations, des calories dépensées que transmettra notre montre connectée et des prévisions d’activités de l’agenda de notre smartphone, ils passeront la commande de réapprovisionnement. De leur coté les thermostats de l’appartement ajusteront et programmeront le chauffage en fonction des conditions actuelles et des prévisions transmises par la météo nationale. L’éclairage suivra l’horaire et la position du soleil, etc.

Dans le domaine de la santé, les bracelets, les stimulateurs cardiaques et de nombreux autres capteurs peuvent suivre les fonctions vitales pour alerter les secours, faciliter la télémédecine ou fournir l’aide thérapeutique aux personnes âgées. Des gadgets plus ou moins utiles apparaissent également comme des brosses à dents électriques intelligentes qui calculent la quantité de tartre retirée à chaque brossage, des couches connectées qui alerte la maman quand il faut changer bébé ou des piluliers qui vous rappellent quand prendre vos médicaments.

Dans le domaine de la sécurité, des caméras de surveillance connectées à une base de données peuvent reconnaître les visages de personnes fichées pour vols ou pour terrorisme et alerter la police.

Dans le domaine de l’environnement, de nombreux instruments sur terre ou dans les satellites suivent la qualité de l’air et celle de l’eau, le niveau sonore, la température, l’humidité, le niveau des océans, le niveau des glaces aux pôles et dans les glaciers montagneux, etc. Les voitures, les bus, les feux de circulation, les parkings, les capteurs de trafic sur les routes sont déjà connectés en partie et annoncent l’arrivée imminente des villes intelligentes et de l’optimisation des mobilités intermodales. Dans ces villes les citadins pourront mieux gérer leurs déplacements avec les applications de leurs smartphones qui exploitent les informations fournies au réseau comme le préfigure le quartier d’affaires de Songdo en Corée du Sud.

Le nombre des vêtements ou accessoires connectés (montres, lunettes, gants, chaussures, bijoux) double chaque année. Dans le secteur de l’énergie les capteurs et les compteurs connectés contribuent à la gestion de l’équilibre du réseau électrique, à partir des consommations et données issues des centrales nucléaires, thermiques, solaires, des parcs d’éoliennes, etc. Dans les usines, les machines connectées entre elles peuvent aussi interagir avec l’internet. Le processus de production peut être optimisé et relié à la logistique d’approvisionnement ou de distribution.

Outre les radio-étiquette (RFID) et les étiquettes codées (QR-code ou code-barre) pouvant contenir des diverses informations (prix, référence, etc.) ou des liens vers une page web ou une application, il existe à présent de étiquettes totalement virtuelles, comme par exemple une adresse URL attachée à un lieu. Un téléphone portable équipé par GPS qui entre dans une zone géographique donnée peut ainsi être utilisé pour retrouver toutes les URLs associées à cette zone et accéder aux informations liées à chaque URL via l’internet. Avec une application comme Geominder, quand vous passez à proximité d’un lieu que vous avez enregistré, votre smartphone peut envoyer un message de votre choix du genre « j’arrive dans 5 minutes ».

Les géants de l’informatique comme Intel, IBM, Samsung investissent massivement sur l’IdO pour analyser les besoins du marché, développer des bases de données et produire les logiciels pour en tirer parti et de là élargir leur offre commerciale. Ils n’hésitent pas à racheter à prix d’or des startups susceptibles de leur apporter un avantage concurrentiel. Le coréen Samsung, par exemple a racheté SmartThings, une startup californienne qui innove dans le domaine des maisons intelligentes et de l’internet des objets grand public. Google a racheté BigQuery et FireBase pour être en mesure de vendre des services de traitement des données récoltées par les objets connectés.

En France, Bouygues Telecoms, utilise son réseau bas débit pour développer une offre IdO via sa filiales Objenious qui compte déjà parmi ses clients Auchan, Renault, Airbus, Somfi, Sanef, SNCF ou encore le Grand Paris. Derrière une même technologie il y a autant d’applications que de clients. Par exemple, pour Renault l’objectif est de localiser en temps réels les 8 millions de produits, qui sortent de ses usines ou qui viennent de ses fournisseurs. Pour Auchan, il s’agit d’optimiser la logistique de ses 900 camions qui desservent les quelques 60 plateformes logistiques. L’objectif est d’augmenter le taux de remplissage des camions et donc au final d’en réduire le nombre circulant sur les routes.

Le nombre d’objets connectés a dépassé le nombre d’êtres humains en 2008. Il double actuellement tous les 6 mois et le processus s’accélère : chaque seconde 127 nouveaux objets sont connectés de par le monde. Les experts estiment à 150 milliards le nombre d’objets qui seront connectés à l’horizon 2025[2]. Avec le développement des algorithmes et de l’intelligence artificielle, les objets gagneront également en autonomie : ils seront capables de percevoir, d’analyser et d’agir par eux-mêmes au niveau local en interaction avec les données globales du nuage (cloud). L’impact économique global de l’internet des objets pourrait alors atteindre les 11.000 milliards[3] de dollars.

Compte-tenu de la grande diversité des applications potentielles, le nombre des informations fournies par les objets connectés explose. Ces éléments collectées nourrissent d’innombrables bases de données (le big data) dont l’exploitation est de plus en plus pertinente grâce des algorithmes constamment améliorés. Ces données alimentent ainsi des outils d’aide à la décision pour les responsables politiques, les ingénieurs, les médecins, les chefs d’entreprises, etc. Elles acquièrent également une valeur marchande que des prestataires de services commencent à valoriser.

L’explosion du nombre d’objets connectés rend nécessaire la mise en place d’outils spécifiques pour leur recherche et l’harmonisation entre les applications qui les gèrent.

Shodan [4], le premier moteur de recherche dédié aux objets connectés, permet de localiser les ces objets, que ce soit une télévision, un réfrigérateur, une webcam, une machine dans une usine ou encore un réseau de processeurs gérant l’air conditionné d’un immeuble de bureau. Shodan peut aussi repérer qui les utilise et détecter certaines failles affectant la sécurité.

Comment avertir à la fois ma maison pour lui signaler que je reviens de vacance plus tôt que prévu afin qu’elle active le chauffage, se prépare à ouvrir les volets et demande au réfrigérateur de passer commande des produits frais pour la semaine. Comment alerter la police de ne plus mettre ma maison sur la liste des patrouilles de surveillance à compter de dimanche prochain ? Google a la solution. Il a développé Brillo, un système d’exploitation dédié à l’internet des objets et Weave, la plateforme qui permet aux applications associées aux objets intégrant le software Brillo de communiquer entre eux. Il me suffira alors d’un seul ordre pour informer tous mes objets connectés de se préparer pour mon retour. Google n’est cependant pas le seul à s’intéresser au sujet, le coréen Samsung avec son système Artik et le chinois Huawei avec sa plateforme Agile sont déjà entrés en lice.

Une autre conséquence du développement de l’internet des objets sera la disparition des claviers et des écrans.

Interfaces habituelles des ordinateurs, tablettes et autres smarphones, les écrans s’incorporent à présent au monde des objets connectés. Ils sont partout, au travail, à la maison, dans la rue, dans les gares, dans les aéroports, etc. Après être devenus de plus en plus fins, flexibles et aptes à prendre diverses formes, ils migrent sur les objets eux-mêmes pour délivrer l’information. N’importe quelle surface de notre lieu de travail ou de notre appartement peut devenir demain un écran. Le matin, pendant que nous nous raserons, le miroir de notre salle de bain pourrait très nous donner un jour les dernières nouvelles de la nuit.

Par ailleurs l’objectif des designers est de faire en sorte que ces objets connectés s’intègrent parfaitement à notre environnement au point d’en oublier le caractère artificiel et de rendre naturel l’échange entre l’objet et l’humain. L’écran par son omniprésence tend ainsi à disparaître de notre perception consciente. Il pourrait même disparaître physiquement, tout comme les claviers, avec le développement des commandes vocales interactives et des interfaces intelligentes intégrées aux objets qui n’auront même plus besoin de nous pour agir ou qui le feront sur un simple geste de notre part, repéré par une caméra.

Le développement de l’internet des objets n’est pas sans incidence sur notre vie privée.

Les appareils connectés à l’internet peuvent collecter des informations nombreuses et précises sur nos centres d’intérêt, nos habitudes de consommation, notre santé, etc. Sans requête particulière de notre part des notifications « push » arrivent déjà sur nos smartphones ou sur notre boîte mail pour nous signaler tel événement ou tel produit. Les algorithmes, qui sélectionnent cette information personnalisée qui nous arrive, orientent nos décisions et limitent en fait notre liberté de choix. C’est ainsi que l’application Spotify suggère une nouvelle musique basée sur les choix d’écoute précédents ou qu’Amazon propose de nouveaux articles sur la base des derniers achats et des dernières consultations. Les progrès dans les nouvelles techniques de l’information sont tels qu’on ne peut exclure la possibilité pour les objets connectés de communiquer bientôt directement avec notre cerveau pour prévoir nos moindres désirs ou orienter nos décisions voire nos actions. L’information induite en retour par les objets connectés n’est pas le fruit du hasard. D’autres font des choix pour nous sans que nous en soyons pleinement conscients. Nous perdons ainsi une part de notre libre-arbitre.

La multiplication des objets connectés accroit par ailleurs les risques pour notre sécurité. Des téléviseurs, des robots de cuisines, des caméras de sécurité, des thermostats ou d’autres appareils apparemment anodins peuvent être détournés de leurs fonctions et utilisés pour espionner les gens[5]. Des individus mal intentionnés pourraient s’introduire dans le système de contrôle de votre machine à laver et provoquer un dégât des eaux ou dans vos prothèses auditives pour vous pourrir la vie. Plus grave, ils pourraient chercher à contrôler des stimulateurs cardiaques, des pompes à insulines, des système de freinages ou de pilotage automatiques des voitures, etc.

Les réponses qui seront apportées à la question de la sécurité comme à celle de la vie privée auront une incidence déterminante pour l’avenir de l’internet des objets.

Copyright Pygmasoft

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[1] Internet des objets. Ouvrage collectif sous la direction de N. Bouhaï et I. Saleh. ISTE Editions

[2] Dirk Helbing & Evangelos Pournaras. Society: Build digital democracy. Nature, 527, 33–34 (05 Novembre 2015)

[3] Cabinet McKinsey.The Internet of Things: How to capture the value of IoT. Mai 2018

[4] www.shodan.io

[5] Joseph Steinberg. These Devices May Be Spying On You (Even In Your Own Home). Forbes Magazine (27 janvier 2014)

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